RETROSPECTIVE Hommage aux auteurs des images du monument des Martyrs, Ismaël Diabaté et Mamadou Somé Coulibaly

Erigé pour que jamais nul n’oublie ceux qui ont donné leur vie pour l’avènement de la démocratie, le monument est orné du tableau, la « Foule » et de la sculpture, la « Femme et son enfant ». L’auteur de la première œuvre l’a offerte gratuitement à l’Etat lors de la Conférence nationale.

C’est un artiste toujours résolu et déterminé dans la défense de la liberté et de la démocratie. M. Ismaël Diabaté, puisse que c’est de lui qu’il s’agit, est l’auteur de la « Foule », un tableau célèbre qui est devenu le symbole de la Révolution de Mars 1991. La toile montre un enfant assis en pleurs, torse nu, avec du sang dégoulinant de son front. Sous ce jeune garçon, une foule immense marche avec des pancartes sur lesquelles on peut lire : « Non au parti unique », « Vive la Démocratie ». C’est cette œuvre qui figure sur le monument des Martyrs situé à l’entrée du pont du même nom sur la rive gauche du fleuve Niger à Bamako.

Le tableau d’Ismaël Diabaté constitue l’un des deux éléments de ce monument dédié aux victimes de la répression de Mars 1991. Quant à la statue représentant une femme implorant le Créateur devant le corps sans vie de son fils, elle est l’œuvre réalisée en trois dimensions par feu Mamadou Somé Coulibaly, décédé en 1997. Le monument des Martyrs se dresse à l’entrée du premier pont où s’est déroulé l’un des affrontements les plus sanglants entre les forces de l’ordre et les manifestants voilà un quart de siècle.

Les manifestants étaient mobilisés par le syndicat estudiantin et les associations et organisations démocratiques réclamant l’instauration du pluralisme démocratique. Pour revenir à Ismaël Diabaté, malgré le poids de l’âge, l’homme reste très vif d’esprit. Il s’anime davantage à l’évocation des années de lutte au sein du PMRD, un parti d’opposition clandestin des années 1980. Ismaël Diabaté est un homme très attaché à la liberté d’expression, d’association et à la démocratie. Il est très critique sur la situation de la culture dans notre pays, estimant que l’Etat ne valorise pas à souhait notre riche patrimoine culturel.

Aussi, pour Ismaël Diabaté, les valeurs de liberté et de démocratie acquises de haute lutte, ne sont pas suffisamment valorisées. L’artiste indique que l’histoire du tableau la « Foule » est assez simple. Avant 1991, Ismaël Diabaté était très engagé dans les luttes politiques. Toutes ses œuvres reflétaient la quête de liberté et de démocratie. Certaines dénonçaient les comportements dictatoriaux à travers l’Afrique et le reste du monde. Par exemple, « Les bottes chiliennes », une œuvre qui date des années 1970 et qui montre comment le pouvoir socialiste de Salvador Allende du Chili a été renversé par le général Augusto Pinochet.

Certaines critiques lui reprochaient d’ailleurs son engagement politique. Mais lui, n’en avait cure tant il était épris de justice et de liberté. De 1968 à 1991, Ismaël Diabaté faisait partie des Maliens qui pensaient qu’il fallait se battre contre le pouvoir militaire qui n’acceptait aucune forme d’expression de liberté. Ces opposants au régime de Moussa Traoré pensaient que le pays avait besoin de tous ses fils : intellectuels, administrateurs, ouvriers et artistes.

M. Diabaté se souvient que c’était entre le 22 et le 26 mars, durant les journées chaudes qu’il a fait l’esquisse et le tableau achevé, l’artiste en a fait cadeau à l’Etat pendant la Conférence nationale. En le remettant au président de la Conférence nationale, il a exprimé clairement son souhait de voir affichée cette œuvre à l’Assemblée nationale afin que les élus se souviennent du Martyr du peuple malien au moment où ils voteront les lois. Le lendemain, la presse écrite, notamment Les Echos et L’essor, publiaient son œuvre à leur « Une », expliquant qu’elle méritait d’être érigée en un monument du 26 Mars.

Extrait du quotidien national. Y. DOUMBIA
Source: Info@sept