Mohamed Ag Erlaf, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation «Ce qui manque à la décentralisation, c’est un citoyen contribuable»

Dans le cadre de son débat d’idée, l’Institut Français de Bamako a organisé le 13 octobre 2016, une conférence débat sur le thème: «la décentralisation au Mali». La conférence était présidée par le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Mohamed Ag Erlaf. Elle avait comme modérateur, Zoumana Doumbia et conférenciers: Denis Gourmay de la coopération française, François Menguelé (responsable de la coopération et du contrat de GIZ au Mali), et El Hadji Mohamed Ibrahim, président du conseil régional de Tombouctou.
En plantant le décor, le modérateur a rappelé que la tenue de cette conférence est partie du constat que la crise sécuritaire et socio politique du Mali a révélé les dimensions de la décentralisation comme outil pour le développement, que la mise en place effective de la décentralisation est incontournable car permettant à une participation citoyenne au développement local. C’est pour quoi, dit-il, la rencontre se voudrait un cadre d’échanges sur la vision de l’Etat pour un développement durable. Elle se voulait aussi une tribune de partage d’expérience dans la mise en œuvre de la décentralisation.
Avant de permettre aux orateurs de rentrer dans le vif du sujet, trois films ont été projetés pour permettre à l’assistance de se faire une idée sur les réalités de la décentralisation au Mali: films sur le cadre de l’aménagement de la plaine de Kléla; dans le cadre de la prise en charge d’une infrastructure hydraulique à Sensso; dans le cadre de la création d’une micro entreprise de tissage de Ségou. Des vrais plaidoyers pour la mobilisation et la participation citoyenne à la décentralisation.
Ce fut ensuite les exposés des tribuns. Denis Gourmay de la coopération française a parlé de l’Etat unitaire qui se décentralise et de l’Etat fédéral où les pouvoirs sont clairement repartis dans la constitution. Selon lui, le Mali est dans le cas de l’Etat unitaire. Un cas qui semble avoir des inconvénients. Sur le plan politique, il ne permet au particularisme de s’exprimer. Sur le plan administratif, l’ennui, c’est le fait que la déconcentration n’est pas faite pour les pouvoirs locaux. Si on parle de décentralisation, dit Dénis Gourmay, les questions qu’on se pose sont: est ce que l’Etat délègue ? Quels moyens on n’y met ? Quel contrôle ? Est-ce que ça marche ? Comme conseil, il a dit que la décentralisation n’est pas seulement les textes. C’est aussi des services rendus, des multiples coopérations entre l’Etat et les collectivités. Il a ajouté de faire confiance au pouvoir locaux pour trouver des solutions aux problèmes locaux.
François Menguelé du GIZ a retracé la trajectoire panafricaine de la décentralisation. Il a dit que la décentralisation est arrivée car les peuples l’avaient revendiquée. Avant de se réjouir de l’adhésion des Etats africains à l’idée et de souligner les défis qui restent à lever comme le renforcement des échanges sur les pratiques au niveau interafricain.
Pour le président du conseil régional de Tombouctou, S’il n’y avait pas la décentralisation, il fallait la créée. Malgré la crise au Nord du Mali, l’Etat est resté débout grâce à la décentralisation. Les collectivités, souligne le Maire, sont restées sur place, elles ont portées la voie du pays partout où il faut, elles ont été intermédiaires de l’Etat, appuyé les humanitaires pour approvisionner les citoyens. Il a invité les autorités à lever les obstacles affectant les ressources aux collectivités. Bref, mettre à l’œuvre les maires en leur faisant confiance pour le juger ensuite.
Le Ministre Mohamed Ag Erlaf dans son témoignage a évoqué l’histoire de la décentralisation au Mali. «On a décentralisé au Mali avant le transfert. Le courage politique a été au dessus des possibilités techniques et matérielles de l’Etat pour y faire face. L’Etat n’avait pas assez d’administrateurs pour encadrer les acteurs sur le terrain. Aujourd’hui, beaucoup de choses ont été faites grâce à cette volonté politique et l’accompagnement des partenaires. La preuve : près de 200 milliards ont été injectés dans la décentralisation », a dit le ministre. Et d’ajouter que l’arbre ne doit pas cacher la forêt. « Ce qui manque à la décentralisation, c’est un citoyen contribuable. Ce n’est pas pour agresser. Je voudrais dire par exemple que le Maire ne peut s’accaparer de façon orthodoxe des fonds de la commune sans que le citoyen ne le sache. Si cela arrive, c’est le résultat de l’absence du citoyen dans son rôle de contrôle. C’est une nécessite que le citoyen devienne contribuable pour demander des compte», conseille le ministre. Sur les transferts des ressources, il a déclaré que cela se poursuit lentement. Il a salué l’initiative en ces termes: grâce à la décentralisation, en 10 ans, les collectivités territoriales ont construit 40 fois d’écoles que les 50 ans de l’Etat »
Hadama B. Fofana