Mali: De la nécessaire voix des journalistes dans la cité : Réponse au Président de l’assemblée nationale du Mali, Honorable Issiaka Sidibé

issiaka pan

Mieux vaut tard que jamais dit-on! Cet article qui est une réaction au propos de l’Honorable Issiaka Sidibé Président de l’Assemble nationale du Mali, tenus lors de l’ouverture de la session parlementaire d’avril 2016 , s’inscrit dans ce cadre.

Il déclarait « Une des plaies en passe de gangrener notre démocratie et certaines libertés fondamentales réside dans le non respect des règles déontologiques et les manquements graves aux cahiers de charges constatés au niveau de certaines presses »

Bonne lecture…..

Monsieur le Président, la corporation des journalistes constitue le troisième pylône d’un État, aussi bien que l’élu occupe l’autre part du tiers. Chacun des deux a un devoir crucial envers le premier: le peuple. La bisbille entre politique et journaliste date de Mathusalem, elle nous survivra car les intérêts des deux parties diffèrent dès l’origine de leur engagement. Pourtant les deux peuvent former une opposition efficace à un gouvernant défaillant.

Nonobstant, plusieurs des journalistes, malgré le danger, continuent à braver les difficultés, allant dans les zones les plus dangereuses de ce monde, dans le seul but d’informer. A défaut d’être la voix des sans voix, au moins pouvoir prêter, par humilité, sa voix à ceux qui n’ont pas les moyens techniques de dire ce qui ne va pas. Là réside la mission intrinsèque et extrinsèque du journaliste.

L’armée de l’encre demeure la cheville ouvrière de toute démocratie, de toute libération et de toutes les révoltes. Souvent opérant dans des caves et des sous sols au péril de sa vie, elle demeure l’œil veillant de notre monde. Si la mission du journaliste, le conduit à questionner, critiquer, débattre du bien fondé de l’action politique dans la gestion de la chose publique, voire dénoncer les travers des représentants du peuple et d’un gouvernement. Il fait son travail.

Doit-on se choquer des propos du Président de l’assemblée ? Chacun considère cette question avec ses propres convictions et son rapport au pouvoir.

Le Mali qui se consume aujourd’hui, à petit feu, n’a-t-il pas besoin d’action concrète ? Plutôt que d’essayer de se dérober de ses tâches, via des polémiques qui ne l’amèneront guère plus haut.

Monsieur le Président, on ne peut pas donner en pâture les journalistes. C’est comme si vous suggérez à ces mêmes personnes qui veulent mettre la main sur le Mali, de commencer par ce bataillon qui le défendra, lorsqu’il en aura besoin. Et il en a besoin aujourd’hui. Les mots sont souvent lourds de conséquence. La sortie de crise est désormais plus qu’une question vitale pour notre pays. Là devra demeurer la priorité essentielle de nos chers députés, toute loi, toute proposition de loi pour éviter notre décadence devra tout aussi les animer.

Cher Élu du peuple, tous les pouvoirs craignent l’influence des journalistes. Vous avez raison, leur devoir d’informer constitue également leur force. Cependant la liberté ainsi que l’indépendance sont inhérentes à leur fonction. La même démocratie qui vous a mené aux commandes, leurs a mis entre les mains, leur arme. Cette seule arme, le verbe, ce catalyseur de prise de conscience.
Ce verbe qui redresse toute colonne poreuse d’un état qui se tord. Donc un pays qui a peur de ses pensants, devra se poser des questions. Toutes les peurs ne doivent pas être exprimées, car elles dévoilent en même temps une certaine carence dans la gestion de la Res-publica.

Essayez de les maîtriser (les journalistes) glissent vers la dictature ou le despotisme. Il faudra que les politiques acceptent le débat d’idées, les contradictions. A ce propos, l’héritage consensuel de la gestion du débat qui consiste en une médiation intelligente des conflits, constitue une des grandes qualités du Mali. Mais trop de consensus a perdu le Mali, rappelons-nous de l’histoire récente de la prise en charge du dossier Nord-Mali. Et si justement, le travail d’une corporation peut faciliter toute sortie de crise, sans ménagement, il faut l’en aider. Nos élus doivent aussi désormais se faire à l’idée que l’on puisse leurs demander des comptes.

Aujourd’hui le peuple questionne, débat et titille, la simple aura du représentant ne suffit plus à sa crédibilité. L’ouvrage dans la clarté se révèle plus que de mise. Cependant, la charte déontologique dicte la mission du professionnel, si le Mali garde à son sein des journalistes compétents qui ont du répondant, tant mieux pour le peuple, c’est par le débat que les pays avancent. S’ils échouent, alors, ils auront failli à leur mission principale : chercher, vérifier, et informer. Et ils ne feront que leur travail, si tel était le cas.

Monsieur le Président, si le journaliste en tombant du lit, le matin, avec la conviction d’informer, qu’au soir venu, qu’il ait travaillé sans ménager personne et sans courber l’échine, de surcroît ait refusé de se laisser corrompre, par quelque manière, il aura fait son travail.

Chers journalistes soyez ces lanternes du bout de la clairière, avec le flambeau brandi de la liberté, vêtu du saut de l’indépendance, l’exigence en bouclier.

Cordiales pensées à Ibrahim Touré.

Dia.D.Sacko (Diaspora malienne)
Source: Diasporaction.Fr 18/05/2016