Biennale 2010: Après le faux pas de 2008, Kayes relève la tête

Pratiquement méconnaissable lors de la biennale 2008 qu’elle a abritée, la région de Kayes, après sa prestation du 27 décembre 2010, se position comme l’une des troupes que tous les prétendants au trophée du cinquantenaire devront battre pour atteindre leur objectif. Déjà, avec la prestation de son orchestre, les spectateurs au Stade Babemba pouvaient se faire une idée du niveau de Kayes à la biennale 2010. Classé 3ème lors de la biennale de Kayes avec 21 points, après Mopti (26 points) et Tombouctou (23 points), l’orchestre de Kayes veut rester dans le trio à défaut d’être premier. Le premier morceau chanté en malinké et intitulé « N’ganiya », prône le combat pour l’unité, le progrès. Il invite les autorités à tout mettre en œuvre pour lutter contre la corruption et le favoritisme. En un mot, Kayes demande de mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut.

Le deuxième morceau intitulé « Mi dagni », chant emprunté du folklore peulh, invite les jeunes au travail et condamne l’immigration clandestine. Mais, ce deuxième titre risque de créer des problèmes à la troupe de Kayes, parce que le fond musical ressemble à du déjà entendu. On a eu l’impression que Kayes a plaqué une chanson peulh sur la rythmique du morceau « chaîne II Lamine » de Yoro Diallo le « Tchèkorobani » de la musique wassoulou. Mais, qu’à cela ne tienne, ce fut digeste et potable à l’oreille et même dansant. « Femme debout », le titre de la pièce de théâtre de Kayes, est une critique de l’école malienne, où selon les comédiens, les syndicats d’élèves et d’enseignant sont en compétition pour battre le record des grèves déclenchées. En plus de l’école, cette pièce de théâtre pose le problème de l’exploitation des mines d’or dans un pays imaginaire qui a tout l’air du notre.

Cette pièce pose le dilemme des parents d’élèves qui ne savent plus où donner de la tête. Face à une école incapable de former des citoyens aptes à travailler pour développement de leur pays et des travaux champêtres qui n’ont plus la possibilité de permettre aux paysans de vivre dignement, tous les ingrédients sont réunis pour sonner la déconfiture de nos sociétés. Face à l’impuissance des hommes à régler le problème, les femmes vont décider de venir à la rescousse, d’où le nom de la pièce : « Femmes débout ». A peine les spectateurs finissaient de digérer les grandes réflexions et propositions de la pièce de théâtre, Kayes s’est mise à danser « Kossi ».

Danse de réjouissance du terroir soninké, elle est exécutée d’habitude sur la place du village par les jeunes filles et leurs mamans à l’occasion des cérémonies de mariages. Le chœur « Mali Honronyaara » est un chant du genre à galvaniser les citoyens pour s’impliquer corps et âme dans les actions de développement du pays. « Libre, le Mali a besoin de l’effort de vous tous ses fils », tel peut être le résumé du chœur de Kayes. Pour la prestation de son ensemble instrumental, la première région administrative a mobilisé tout ce qu’elle compte d’instruments traditionnels influents. Il y avait des balafons, des tamanis, des tam-tams, la flûte, le Ngoni, la kora, le violon et la calebasse renversée dans une cuvette d’eau, jouée d’habitude par les femmes. Cette orchestration est accompagnée du titre soninké « Seremagayinbelo » ou halte aux feux de brousse, un chant dédié à la protection de l’environnement. Kayes invite à mettre fin aux feux de brousse, à la coupe abusive du bois, à la pollution des points d’eau. « Kuma Yiri yo », le titre du solo de chant qui est en réalité une complainte d’une orpheline khassonké, a fait pleurer des spectateurs qui ne comprennent pas cette langue, tant la chanson était pathétique. L’histoire est toute simple : au décès de son père, l’orpheline sera accueillie dans la famille de l’ami de son père.

Cela conformément à l’entente préalable entre les deux amis qui s’étaient engagés mutuellement à s’occuper de leur progéniture, si l’un d’entre eux venait à disparaître. Mais, l’orpheline recueillie dans la famille de l’ami à son père sera soumise à tous les travaux pénibles jusqu’au jour de son mariage. Et, pour boucler la boucle, à travers son ballet à thème intitulé « Don So », Kayes a impressionné plusieurs spectateurs, pour ne pas dire tout le stade. Pour la première fois, dans l’histoire de la biennale, une troupe venait de prendre la responsabilité de s’éloigner des habituels tam-tams, pour faire danser les acteurs de son ballet. Et, comme le spectacle de Kayes portait sur la case du savoir, c’est-à-dire la confrérie des chasseurs, sur le rythme endiablé du Donso Ngoni, les Kayesiens vont danser pour mimer la formation initiatique d’un jeune aux secrets de la chasse. Et, c’est sur cette belle initiative de Kayes qui a désormais la valeur d’une leçon de créativité culturelle que la soirée a pris fin.

Assane Koné 28/12/2010